Anthony J. Logan

Mon histoire commence le 1er avril 1990 dans la douce ville de Sydney. Les premiers mots que j’ai entendu furent ceux de mon grand frère de cinq ans qui visiblement peu heureux que l’on ne s’intéresse pas à lui déclara en tout bien toute honneur que je ressemblais à « Un gros crapaud rose ». Je dois admettre que je ne sais pas bien comment le prendre mais qu’importe, à cette époque je n’avais rien compris à ses paroles. Aujourd’hui, je m’en fiche pas mal. Ma première année fut intensive en activité. J’ai appris à parler – et là je crois que j’ai vexé ma mère en disant papa en premier – j’ai aussi appris à marcher. Je vous fais grâce du comptage des dix milles cinq cent bleus que je me suis pris à force de tomber les genoux les premiers sur le parquet du salon. Surtout qu’apprendre à marcher avec un grand frère qui ne fait que vous pousser ce n’est franchement pas facile mais j’ai réussi. Il parait que je réussis tout ce que j’entreprends… s’ils le disent. Avec mon frère – Thomas – ce ne fut jamais la bonne entente. Je crois que je suis arrivé trop tard dans sa vie pour qu’il accepte de partager ses parents, ses jouets, sa chambre, sa télé et ses fringues avec moi. Mais qu’est-ce que j’y peux moi si je suis né ? C’est quand même pas de ma faute mais celle de mes parents… enfin, pour ma part je ne leur reproche rien, je suis bien ici. Ma seconde année, ma mère m’emmena à la piscine. Je ne m’en souviens pas mais il parait que j’ai eu peur la première fois, pourtant aujourd’hui j’adore la piscine sauf quand il y a mon frère dans les parages. Il a un super jeu – enfin c’est lui qui dit ça – il adore faire semblant de me noyer. Perso, il ne fait pas semblant, je le sais, c’est moi qui en fais les frais mais il ne va sûrement pas le dire de but en blanc à mes parents. « Si, j’ai voulu le noyer ». Je crois qu’il n’est pas assez courageux pour dire ça. En même temps, il a raison… enfin bref… je dis ça mais moi non plus je ne suis pas du genre courageux. J’essaie, je dis bien j’essaie d’éviter les ennuis mais ils me retrouvent toujours. Je dois être né sous une mauvaise étoile… c’est bien ma veine… la haine de mon frère ne suffisait pas ? J’ai aussi appris à faire du vélo. Enfin… du tricycle. Ma mère n’aurait jamais accepté que je monte dès le départ sur un vélo « Trop dangereux » disait-elle avec cette petite moue étrange et son doigt pointé en l’air. J’ai donc fait du tricycle. C’était bien quand même, sauf quand mon frère – encore lui – s’arrangeait pour me lancer des cailloux dans la roue de devant. Je crois que cette année là j’ai beaucoup pleuré. L’année de mes trois ans, mes parents ont eu la bonne idée de m’envoyer à l’école… pas que je n’aimais pas mais disons que ce n’était pas ma tasse de thé, surtout avec les enfants de la dernière section qui n’arrêtaient pas de s’en prendre à moi. En fait, dès tout petit j’étais le parfait punching-ball. Comme quoi, il n’y avait pas que mon frère qui me détestait. Je ne me suis jamais plaint à la maitresse. Je ne suis pas une balance moi. Pas comme ce crétin de Mickaël qui se prenait un malin plaisir à me faire tomber de la balançoire de l’école dès qu’il pouvait. Lui c’était une balance, même lorsque l’on avait rien fait. Menteur et accusateur, il allait toujours voir la maitresse et évidemment je me faisais toujours punir à sa place. J’ai appris à me taire et à accepter l’interdiction d’aller jouer avec les autres. J’ai appris à écrire et à lire avant tout le monde. Ben oui, avec le nombre de fois où je n’allais pas en récréation j’avais le temps d’apprendre. En fait, je crois que j’aime bien l’école… si seulement, je pouvais y être tout seul…

A l’entrée au CP, je savais pertinemment que cela ne changerait pas. Ben oui, Mickaël était dans la même école que moi, même s’il avait un an de plus. En y réfléchissant bien, je comprends pourquoi il est en prison aujourd’hui. Bref, passons. L’école me permettait d’échapper à mon frère et même si je n’aimais pas me faire taper dessus par ceux de ma classe ou des classes supérieures, je préférais encore aller à l’école que de devoir affronter mon frère. Parce que lui en plus, c’était un mesquin, méchant et sadique. Il a même déchiré les pattes de lion en peluche juste parce que j’ai eu le droit à une plus grosse part de tarte. Mon frère est totalement jeté. Maintenant, je sais pourquoi mais à l’époque ça faisait un peu peur. Encore maintenant d’ailleurs mais là où il est, il ne pourra plus me faire de mal, ça c’est une chose certaine. J’ai continué mon enfance entre l’école et la maison. Au début, je crois que je ne voulais pas l’admettre. Je n’avais pas envie d’avoir un argument de plus à donner aux autres et puis j’ai fini par accepter. Quand je suis entré au collège. La conversation je pourrais vous la réciter par cœur, tellement je me la suis répétée des dizaines de fois dans ma tête. « Tu es un Elfe ». Sur le coup, je suis resté coi devant mes parents. Eux, étaient tout sourire un peu machiavélique limite flippant semblant sortir tout droit d’orange mécanique. Et le pire c’est qu’ils étaient sérieux. Moi ? Un Elfe ? Le méga gros délire… Mais étrangement, j’avais comme le pressentiment qu’ils ne mentaient pas… super nouvelle et j’avoue je n’ai jamais rien dit à l’école. Fallait pas rêver, déjà que les autres me détestaient, je n’allais certainement pas leur donner une raison de plus. J’ai donc gardé ça pour moi, bien au chaud dans ma petite tête. J’ai donc commencé ma vie au collège, sachant que j’étais un Elfe. Au fond, j’étais fier de l’être. Au moins, je ne faisais pas parti de cette race stupide qui aime s’en prendre au plus petit que soi. Et puis, c’est quand même la classe d’être un Elfe. On est meilleur que les humains pour beaucoup de points, même si moi je ne suis pas du genre à leur renvoyer cette constatation en pleine face. Je suis ce que l’on appelle un GE – Gentil Elfe – peut-être un peu trop d’après certain. C’est en troisième, juste avant mon entrée au lycée que c’est arrivé. Je crois que c’est le jour où j’ai eu le plus peur de toute ma vie. On m’avait toujours dit que les Elfes résistaient mieux aux maladies et bien dans le cas de mon frère c’est faux. Archi faux. Il s’est pris le diagnostic en pleine face. En même temps, tout le monde s’en doutait, surtout lorsqu’il a essayé de nous égorger avec le couteau de cuisine. C’est là où on a finit par comprendre que mon frère avait quelque chose d’anormal en lui. Les flics l’ont arrêté et aujourd’hui, il est en hôpital psychiatrique. J’avoue, il est nettement mieux là-bas et même s’il me détestait, il me manque. C’est là où l’expression aimer malgré soi prend tout son sens. Mais au moins, là-bas, il est bien et sa maladie est soignée. Dommage, il aurait du aller à Isithrandil. Il avait ce pouvoir de réussir à voir par delà les murs… fort non ? Je viens de comprendre pourquoi mon frère savait toujours ce que j’étais entrain de faire à la moindre seconde… enfin bref… Mon pouvoir s’est réellement déclaré lors d’une dispute avec mes parents.

« Tu étais avec elle c’est ça ? » demanda ma mère à mon père lorsqu’il rentra à minuit trente un jour d’été. « Non » répondit-il avec le plus grand sérieux du monde. « Tu mens » ai-je lancé avec le plus grand naturel. Je crois que ce jour là j’ai viré au rouge. Mon père aussi d’ailleurs. J’ai lancé un sourire désolé à mon père. C’est vrai en plus, j’étais désolé d’avoir ruiné sa super excuse de la mort qui tue pour prouver par a + b à ma mère qu’il n’était pas chez sa maitresse ce soir là. C’est moche… tant pis, l’avait qu’à pas avoir une maitresse. Moi, en revanche, j’étais l’enfant modèle d’après ma mère. J’étais du genre à ne jamais tromper ma femme. SI elle savait, je crois qu’elle ferait une syncope. Ben oui, elle n’aurait jamais de belle-fille. Je lui dirais un jour, quand j’aurais le courage. Je crois que mon père n’accepterait pas un fils comme moi. Déjà que son premier fils, il le renie depuis qu’il est à l’hôpital alors si je lui rajoute ça par-dessus, je crois que je le tues. Quoique… je rendrais un fier service à ma mère et à sa maitresse… ma mère ne voulait pas divorcer même si elle savait qu’il voyait toujours sa poufiasse comme elle l’appelait. En même temps, il n’y avait pas d’autre mot. Comme quoi, même chez les Elfes, on connait les insultes. Bref… les jours passèrent. Entre lycée et sorties. Oui, je sortais. Rarement mais cela m’arrivait. Pour aller au bar des Elfes. Le Juik Ih Ayneth. Trop génial ce bar. C’est d’ailleurs en rentrant un soir du bar que j’y ai fais la connaissance de Norman McMillan. Le concierge de l’université. Il voulait absolument que j’y aille. Et vous savez quoi ? Ben j’ai dit oui. Après tout, ça ne pouvait être que bénéfique et puis c’est quand même l’université des Elfes, même si depuis deux ans on accueille les humains depuis deux ans. J’aime bien les humains, surtout un… lui c’est mon préféré mais ça personne ne le sait. D’ailleurs, personne ne le saura. Je l’ai rencontré en première année au bar des Elfes justement. Je crois que si je n’avais pas été là il passait un sale quart d’heure… ou pas. Quand je dis que l’alcool fait des ravages, ben dans son cas c’est vrai. Je lui ai sauvé la mise au bar ce soir-là. En plus, je ne l’aimais pas au départ. Sale petit con à l’université mais je suis trop gentil pour pouvoir le reprocher à mes ennemis. Je l’ai donc sorti de là. Et étrangement, alors que tout nous opposait, on s’est rapproché. Un Noldor ami avec un Rimbor. On aurait pu croire ça impossible et pourtant… je sais qu’il est sincère avec moi. Je sais quand on me ment, et là dans son amitié il ne ment pas. Je le sais. Je lui ai même appris à nager, il me défend contre les grosses brutes. Dommage que je l’aime un peu plus que je ne devrais mais bon y’en a d’autre sur Terre, je finirais bien par changer mes sentiments envers lui… enfin j’espère. Cette année j’entame ma seconde année. J’ai hâte de voir les nouveaux, et puis aussi j’aimerais bien que les autres imbéciles me lâchent un peu, Elfes comme Humains. Parce que n’allez pas croire qu’il n’y a que les humains qui sont de parfaits imbéciles…